Mises en scène à "plusieurs"
Mises en scène à « plusieurs »
Une boîte remplie de tirages photographiques. Tirages au bord dentelé sur lesquels je suis figé dans l’enfance entre 1947 et 1959. J’ai hérité de cette boîte en fer contenant ces photographies et les négatifs lors du débarras d’un appartement en 2005.
En 2018, la journaliste du quotidien Ouest-France, lors d’une exposition à la médiathèque de Périers (50), me pose cette question : « d’où vous vient cet intérêt pour la photographie ? ». Je ne m’étais jamais posé la question ! La boîte à biscuits, les tirages dentelés, l’appareil à soufflet Coronet, cadeau offert en 1939, … mais je ne me souviens pas du tout, mais pas du tout, de ces moments de pose sollicités par ma mère.
Entre 16 ans et 20 ans, je prends en charge, à la MJC de Bolbec (76), l’animation du club-photos et du ciné-club ; ciné-club créé par Bernard Alexandre, curé et conteur, responsable de l’office catholique du cinéma en Haute-Normandie. Auteur de l’ouvrage Le Horsain aux éditions Plon.
En février 1975, c’est sur la plage de Saint Germain sur Ay (50) que je photographie une composition naturelle surprenante, Le voilier. Un vieux cageot brisé pris dans le sable et projetant son ombre.
En 1996, je propose à la galerie Le Chameau à Dozulé (14), une exposition sur la S.M.N. (Société Métallurgique de Normandie), friches industrielles et des gars humains. Exposition accompagnée d’un texte de Pierre Lebigre et une sérigraphie de Bernard Louvel.
En 1997, je franchis, en tant qu’auditeur libre, les portes de l’école des Beaux-Arts de Caen. Pendant sept ou huit saisons, je navigue d’atelier en atelier : dessin, photographie, arts plastiques, collage, cours d’esthétique, …
L’atelier Peindre avec la lumière, pendant les années 1998-2000, proposé par Véronique Delange m’a permis de découvrir la possibilité d’ajouter de la couleur sur des prises de vue noir et blanc sans peindre, ni colorier avec le procédé de transfert d’images. La transparence, la couleur, les affiches décollées et les Nouveaux Réalistes, l’indépendance du trait et de la couleur chez Fernand Léger sont introduites dans mon aventure artistique.
1993-2023, les installations et les expositions personnelles ou collectives sont présentées succinctement dans les deux magazines « expositions – et installations »
2007-2012, le renouvellement urbain à Colombelles (14)
En duo avec Véronique Piantino, nous proposons, dans le cadre du renouvellement urbain dans la commune de Colombelles (14) une série de temps forts. Des entretiens réalisés auprès des habitants et des photographies prises pendant cette période ont conduit à une série d’installations : Nous avons déménagé et les murs ont la parole, Toutankarton et Voisinages, Fragments de chantier et Pages (A)venir et la publication de l’ouvrage Territoire (A)venir – aux éditions Les cahiers du temps.
En 2013, dans le cadre des vingt ans de la fermeture de la S.M.N., l’exposition photographique L’ange a 20 ans, accompagnée d’un texte de Véronique Piantino. est présentée dans les Métallo-box sur le site de l’usine. En complément, dix photographies relatant des épisodes des manifestations d’ouvriers de la S.M.N. sont exposées, aussi, au musée de Normandie dans l’exposition « SMN 1912-2013 ».
En 2015, avec le thème Sur le fil, proposé par le collectif Autrement Dit, je présente mes premières photographies associées par superposition à partir de clichés, pris à des moments différents, dans divers lieux, solitaires et en attente dans mes classeurs numériques.
La superposition de photographies s’est transformée en surimpression où 1+1=3. Cette forme de combinaison, connue depuis les débuts de la photographie, s’est produite suite à un « accident » provoqué par une manœuvre inattendue de touches sur un clavier d’ordinateur.
La surimpression : « Cet assemblage très banal est en réalité très difficile car la compatibilité est rare » (1).
Aussi depuis plus de quinze années, des figurines en papier apparaissent dans mes installations, puis dans mes clichés. La disparition des usines Moulinex en Basse-Normandie a été le déclencheur de leur arrivée dans ma pratique artistique de la photographie et du collage. Ces formes humaines fabriquées avec trois fois rien sont, au recto, vêtues d’un uniforme, signification d’un conformisme ambiant et au verso, habillées avec les pages colorées de différents magazines.
Ces figurines sont devenues des compagnes artistiques. Des muses inspiratrices en quelque sorte. Cette colonie de personnages normalisés en papier m’accompagne dans tous mes déplacements. Ils sont une présence dans ce travail photographique de mises en scène pour illustrer ma réflexion sur l’équilibre instable de notre monde. Dans un espace continuellement occupé où il est difficile d’échapper à la superficialité, à une uniformatisation de l’image, se glisser dans des espaces intermédiaires devient nécessaire. Entre la solitude et le besoin du collectif, c’est la recherche de l’Autre, ce double insaisissable en mal de reconnaissance, qui nous suit comme notre ombre. C’est aussi un imaginaire silencieux, sans bavardage d’un quelque chose qui est passé en un instant.
Patrice Monchy – 2023 - patrice.monchy@orange.fr /www.atelier24pm.com
(1) Luc Desmarquest/Ardi, exposition de Marie-Céline Nevoux-Valognes Affinités