2018 - Un printemps presque parfait
Un printemps presque parfait,
La déflagration le surprit comme un coup de tonnerre. L'éclaboussure de lumière lui ferma les yeux comme si c'était pour la dernière fois. La poussière fît disparaître le paysage tout en fleurs qui s'offrait à lui. Le silence mit un terme à la situation. Mais de cela il ne le sut jamais.
Il avait écrit dans une longue lettre le désir de revenir dans le pays. Il disait qu'il avait choisi le printemps pour recommencer. Pour recommencer tout simplement. Il avait disparu en hiver. Il souhaitait revenir au printemps. De tout cela il l'avait déjà écrit il y a trois ans maintenant. Trois ans d'absence. Trois ans d'effacement. Les jours étaient passés les uns après les autres, bien corsetés, dans leurs années. Les jours emmitouflés, les jours de renaissance, les jours ensoleillés puis les jours qui regardaient la chute des feuilles. Des années qui s'effacèrent à la manière des mots disparaissant sous les grands cercles dessinés par les mouvements de l'éponge sur le tableau noir. Le tableau noir, c'est ce qui s'était accroché à lui lorsqu'il referma la porte de la classe. Elle ne s'était pas retournée, l'eau qui suintait de l'éponge dessinait des veines de couleur sur sa main. La serrure de la porte cliqueta comme d'habitude. Il avait traversé la cour en laissant ses pas dans la neige. Les traces dessinées s'éloignaient lentement vers le sud. Il ne sut jamais qu'elle ne s'était pas retournée mais il devina qu'elle avait essuyé ses larmes avec son mouchoir brodé avant de faire face à ses élèves. Les élèves étaient aussi les siens auparavant jusqu'au jour où elle était arrivée, toute emmitouflée dans son manteau blanc, couleur neige. A telle enseigne qu'il avait pensé apercevoir un ange dans l'entrebâillement de l'ouverture. Il s'y attendait depuis qu'il reçu sa feuille de route. Il n'avait pas compté les journées jusqu'à l'heure du départ mais il s'y attendait. Elle referma la porte. La serrure cliqueta comme d'habitude. La salle de classe était vide et silencieuse cet après-midi là. Dernier moment pour passer les consignes. Ils avaient les mêmes envies de vivre. Ils se comprirent immédiatement. Le dernier matin, la cloche fît entrer les enfants dans la salle de classe. Pour la dernière fois il les suivit du regard. Il ne s'installa pas comme à son habitude sur l'estrade en bois placée sous le tableau noir. Il parcourut les rangs très lentement. Il passa délicatement sa main dans les cheveux de chacun d'eux. Il sortit discrètement. Récupéra le sac à dos qu'il avait posé sous le préau. Demain, il sera très loin dans le sud.
Patrice Monchy, le 18 avril 2018