2016 - Le voyage immobile
photographie et texte > Patrice Monchy
Voyage autour d’une photographie
Dans son rêve les feuilles détachées des branches tournoient avant de s’éparpiller. Il se croit en hiver mais c’est l’automne dans lequel il sombre. La photographie s’est invitée sans crier gare dans sa rêverie. L'image représente un amoncellement de feuilles plastique massicotées sur lesquelles figurent des lignes de différentes couleurs. Noir, vert et bleu. Noir pour l’hiver, vert pour le printemps et bleu pour l’été. L’automne est absent. Pas tout à fait ; c’est la saison de sa songerie. Cet enchevêtrement de dessins est à portée de main. Il peut même fouiller, enfoncer celle-ci dans ce micmac. Les feuilles continuent à alimenter ce désordre. Cette géométrie est une invitation à voyager, à parcourir ces segments qui se multiplient au fur et à mesure que le vent bouscule le feuillage. Mais dans cette fiction il n’y a pas de vent. Il voudrait bien se dresser et partir en randonnée pour commencer. Toutes ces stries abandonnées dans toutes les directions l’invitent à s’évader. L’invitation ne suffit pas. Les sentiers, les chemins, les routes, toutes les destinations s’offrent à lui. Il n’arrive pas à s’extraire de cet emmêlement. C’est plutôt la confusion qui domine. Pourtant durant une partie de sa vie, il a voyagé. Pas énormément mais un peu. La mer, la campagne, la montagne, le désert. Il s’est éloigné vers l’est jusqu’en Asie ; vers le sud jusqu’en Égypte ; vers l’ouest jusqu’en Amérique ; vers le nord. Aujourd’hui, la mer, celle d’ici ; la campagne, celle des bocages. Les aubépines, les noisetiers, les sureaux, les cornouillers, les osiers, les ronciers, les pommiers l’ont nargué. Eux seront présents longtemps après lui. Peu importe, il les a beaucoup entretenus. C’est la lutte inégale avec la nature. Tous ces départs en randonnée, en excursion, en promenade ont été accompagnés d’un retour. Aujourd’hui, à cet instant, dans ses derniers moments d’illusion, cet imbroglio de hachures lui révèle l’ensemble des chemins qu’il na pas pris durant son existence. Les dernières feuilles sont tombées.
le 11 février 2016