Bandeau d'entête





Photographies > Patrice Monchy, Paris le 11 janvier 2015
Ce n’est pas le monde, ce n’est pas la foule, c’est une marée humaine. Une marée comme les côtes normandes n’en connaîtront jamais. Une belle marée sans vague, ni rouleau, accompagnée par moments par des crépitements d’applaudissements se déplaçant à la manière d’un orage de grêle. Au centre de ce rassemblement humain, composé de femmes et d’hommes de différentes confessions et sans confession, se dresse un Everest « A la gloire de la République française » bafouée. Statue escaladée par tant de jeunes, recouverte de drapeaux, de banderoles, de bannières, d’affiches... destinés à glorifier une unité nationale pour faire face à l'adversité intégriste. Un morceau de tissu blanc a retenu mon attention ; criblé de taches de peinture rouge, sur lequel est inscrit la devise de la République française « Liberté, Égalité, Fraternité », accroché sur une baguette de bambou, déchiré sur ses franges et balancé de gauche à droite au-dessus des têtes. C’est d’une simplicité éblouissante et d’une force prodigieuse. Il y a aussi des élans d’affection envers la police… La loi du 13 novembre 2014 est tout de même un nouveau coup porté à nos libertés fondamentales. Je l’ai constaté en venant à Paris, ce dimanche. Le jeune gendarme, en civil, s’est rapidement joint à la conversation, en montrant son badge « gendarmerie nationale », en lisant sur son portable la liste des effectifs policiers postés à Paris pour la journée, confondant rafle et interpellation et se réjouissant que pour certaines infractions, le passage par un juge n’est plus nécessaire. Benjamin Franklin écrivait en 1755 que « ceux qui renoncent à une liberté essentielle pour obtenir un peu de sécurité temporaire ne méritent ni liberté, ni sécurité ».
Vers 15 heures, cette assemblée souhaite, dans un mouvement d’ensemble, se diriger vers la place de la Nation. Mais cette impulsion est convertie rapidement en marche immobile. Pourquoi chercher à se diriger vers la place de la Nation alors qu’à cet instant même, nous sommes la Nation, nous sommes un Peuple. Aussi, se forment des files indiennes cherchant une « porte de sortie » jusqu’au blocage provoqué par les flux montants et descendants. Dans l’histoire, nous avons eu Henri IV et son panache blanc. Dimanche, un leader éphémère a roulé son affiche « je suis Charlie ». Armé de son panache (de papier) blanc, il a indiqué, dans le calme, la direction à suivre. Sans bousculade, face à la foule qui piétine dans une petite rue, a été entonné un « faites demi-tour ». Les derniers devinrent les premiers. Comme une retenue d’eau que l’on libère, l’élan fantastique se répand dans le quartier dans une multitude d’individualités prêtent à lutter contre l’imbécillité.